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L'arche de Noé verte de Svalbard

Publié le par Gerome

En Norvège, sur l’archipel arctique de Svalbard, il existe un lieu énigmatique et unique au monde : la plus importante banque de semences de la planète. Une véritable « Arche de Noé verte » destinée à conserver le patrimoine végétal de la Terre.

 

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Selon la Bible, l’Arche de Noé était une grande embarcation construite sur ordre de Dieu pour sauver Noé, sa famille, et l’ensemble des espèces animales du Déluge. C’est ce qui vaut le surnom « d’Arche de Noé Verte » au Svalbard Global Seed Vault : cette chambre forte a pour but de stocker et de protéger la biodiversité végétale (les graines de l’ensemble des cultures vivrières) menacée par le réchauffement climatique, les catastrophes naturelles, ou encore les guerres.

 

Inaugurée en février 2008 sur l’île du Spitzberg (après deux ans de travaux), l’installation très sécurisée totalise un volume de stockage de près de 1 500 m3. Pour la construire, il a fallu creuser dans le flanc d’une montagne de grès sur une centaine de mètres. Le choix du lieu (situé à environ 1 000 kilomètres du pôle Nord) n’est pas anodin : l’activité tectonique est y absente et le permafrost (ou pergélisol : sous-sol gelé en permanence) peut aider à la conservation des échantillons (en cas de panne du système de réfrigération, il assurera naturellement des températures inférieures à 0°C pendant plusieurs semaines).


Autre avantage : construite à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer, la banque de graines ne sera pas submergée en cas de fonte des glaces et de hausse du niveau des océans. Gérée par un accord tripartite entre le gouvernement norvégien, l’organisation onusienne Global crop diversity trust, et la banque génétique nordique, elle a coûté quelque 8 millions de dollars (les financements proviennent de divers gouvernements du monde, de plusieurs organismes privés, et de différentes fondations, comme la Fondation Rockefeller ou Bill Gates).


Déjà 500 000 variétés de graines mises à l’abri


En mars 2010, le Svalbard Global Seed Vault comptait 500 000 variétés, soit un tiers des espèces végétales de la planète : c’est désormais la collection de graines la plus importante au monde (le site peut accueillir jusqu’à 4,5 millions d’échantillons dont les propriétaires restent les donateurs)... Mais pourquoi une telle infrastructure, totalement isolée et capable de résister à une attaque nucléaire ?


Outre le fait que les semences soient mises en péril par le réchauffement climatique, les 1 400 banques génétiques existantes sont exposées à des risques de perte ou de disparition : mauvaises gestions, accidents, catastrophes naturelles, guerres. De tels établissements ont par exemple été détruits en Irak, en Afghanistan, ou inondés aux Philippines (typhon en 2006).

Il est en fait question de préparer l’avenir : grâce à cette banque, les chercheurs disposent d’une grande diversité pour mettre au point des cultures plus résistantes, éventuellement adaptées aux changements climatiques, et plus productives, sachant que la Terre pourrait compter 9 milliards d’individus en 2050.

 

 


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L'apiculture française s'organise pour mieux défendre ses intérêts

Publié le par Gerome

Que ce soit au niveau français ou européen, les apiculteurs sont plus que jamais mobilisés pour défendre la cause de l'abeille en cette année internationale de la Biodiversité. La lutte contre les pesticides reste le cœur de leur action.

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Dans la lignée des travaux du député de Haute-Savoie Martial Saddier, auteur du rapport ''pour une filière apicole durable'' remis au Premier ministre à l'automne 2008, l'Institut Scientifique Technique de l'Abeille et de la Pollinisation (ITSAP) est sur le point d'être créé. Selon le rapport Saddier, cette interprofession apicole doit être un ''lieu d'échanges, d'écoute, de dialogue et de propositions entre l'ensemble des acteurs de cette filière ainsi que des pouvoirs publics nationaux et internationaux''.


Si la création de cette entité est prévue le 12 mars prochain, sa préparation ne fut pas de tout repos. Validée en octobre 2009, la première version des statuts de l'ITSAP a provoqué la colère de la filière apicole : ''le comité scientifique était décisionnaire, les scientifiques qui avaient mis en évidence le rôle des phytosanitaires dans les surmortalités d'abeille en étaient écartés, l'Union des Industriels de la Protection des Plantes avait ses entrées au Conseil d'Administration, l'UNAF a dû se mobiliser'', explique Henri Clément, Président de l'Union National des Apiculteurs Français. Les arguments juridiques déployés par la profession ont finalement eu gain de cause puisque le 22 janvier dernier, de nouveaux statuts ont été actés par l'ensemble des acteurs.

 

Désormais, le comité scientifique jouera un rôle consultatif et intégrera plusieurs chercheurs reconnus par les apiculteurs et les sociétés productrices de produits phytopharmaceutiques ne pourront pas prendre part au Conseil d'Administration. D'autres points sont encore à préciser. L'UNAF négocie le rôle de la filière agricole qui espère garder un pouvoir décisionnaire alors que la filière apicole ne voudrait lui accorder qu'un rôle consultatif. ''Le budget alloué à l'institut fixé à 350.000 euros nous paraît faible par rapport à l'ampleur des travaux à mener'', ajoute par ailleurs Henri Clément. En attendant les premiers travaux de l'ITSAP, l'UNAF poursuit sa lutte contre les pesticides qu'elle considère comme toxiques pour les abeilles.

Un nouvel insecticide inquiète la filière



L'UNAF s'inquiète plus particulièrement d'un nouveau produit baptisé Proteus® et récemment homologué, un insecticide neurotoxique de la famille des néonicotinoïdes comme le Gaucho et le Cruiser. Ce produit sera utilisé pour la première fois en France au printemps 2010 par pulvérisation sur céréales, pommes de terre, betteraves et surtout sur le colza, dont les fleurs sont particulièrement appréciées par les abeilles. La pulvérisation prendra fin avant la floraison mais les apiculteurs craignent des intoxications massives de leurs cheptels lors du butinage.  

''Une nouvelle étude de l'Inra d'Avignon a récemment démontré la toxicité des insecticides néonicotinoïdes et plus précisément leur interaction avec certaines infections'', explique Sophie Dugué apicultrice dans la Sarthe et responsable du dossier des pesticides à l'UNAF. ''La maladie et les pesticides ont un effet synergique, nos ruches sont malades certes mais parce qu'elles sont fragilisées par les insecticides'', ajoute-t-elle.

Les apiculteurs envisagent par conséquent de déposer un recours juridique pour annuler l'autorisation de mise sur le marché accordée pour 10 ans à ce nouveau produit. L'UNAF n'a donc pas fini ses travaux juridiques bien qu'elle se sente démunie : ''nous n'avons que deux mois pour déposer un recours après la remise de l'autorisation or nous découvrons ces autorisations lorsque ce délai est dépassé'', explique Bernard Fau, avocat de l'association. '

 

'Seule la société requérante est informée car il n'y a pas de publication officielle, nous devons donc déployer une procédure souvent très longue'', ajoute-t-il.
Cette lourdeur administrative est d'autant plus frustrante aux yeux de l'association que certaines autorisations sont validées au goûte à goûte comme pour le Cruiser qui bénéficie d'autorisation d'un an. L'association reste toutefois plus que jamais mobilisée au niveau français mais également européen.

Interrogations sur le prochain règlement européen

La coordination européenne s'organise face aux évolutions réglementaires attendues dans les prochaines années. Le Parlement européen et les Etats membres se sont en effet mis d'accord en 2009 sur de nouvelles règles de mise sur le marché et d'utilisation des pesticides qui entreront en vigueur en 2011. Le nouveau règlement établit des procédures pour l'évaluation scientifique des substances actives et l'autorisation des préparations commerciales.

 

Ces procédures comportent notamment des critères visant à exclure les pesticides les plus dangereux et à les substituer par des alternatives moins nocives lorsqu'elles existent. Toutefois si une substance reste nécessaire pour combattre une menace sérieuse à la « santé des plantes », elle pourra être approuvée pour une période de 5 ans.

Mais l'UNAF s'inquiète surtout de la nouvelle procédure d'autorisation car les pays pourront autoriser les pesticides en se basant sur le principe de reconnaissance mutuelle. Cette idée de la Commission européenne consiste à diviser l'UE en trois zones (nord, centre et sud) et à considérer que tout pesticide autorisé par un Etat membre au sein d'une zone serait approuvé systématiquement par les autres pays de la zone.

 

La France sera dans la zone sud avec la Bulgarie, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, Chypre, Malte et le Portugal. Or, selon Bernard Fau, l'avocat de l'UNAF, certains pays n'ont pas la même vigilance par rapport à ces produits ou n'ont pas les moyens suffisants pour vérifier leur innocuité de manière approfondie. ''Le choix du pays où déposer la demande d'autorisation sera donc crucial pour les fabricants'', estime-t-il. Précisons toutefois qu'il est prévu que les Etats membres puissent interdire un produit sur leur territoire, notamment pour des circonstances environnementales ou agricoles spécifiques. L'UNAF sera donc particulièrement vigilante aux choix de la France.

 

 


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Tanzanie : le gouvernement promet de ne pas détruire le parc du Serengeti

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Un projet d'autoroute dans le parc du Serengeti, célèbre pour ses extraordinaires migrations de gnous et de zèbres, inquiète les défenseurs de l'environnement. Tentant d'apaiser les tensions, le gouvernement tanzanien assure que ce projet n'aura aucun impact sur la biodiversité qu'abrite le parc national.

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"Le Serengeti est un joyau de notre nation et de la communauté internationale. Nous voulons vous donner des assurances que nous ne pouvons pas avoir cette irresponsabilité de détruire le Serengeti", assure le président Jakaya Kikwete, dans un communiqué cité par Romandie.com. Et de souligner que la portion de route qui doit traverser le nord de Serengeti sur 54 kilomètres ne sera pas bitumée. "Nous ne construirons pas de route bitumée à travers le parc national du Serengeti. Nous construirons seulement une route autour du parc pour faire face aux très grands défis de transport auxquels sont confrontées les communautés pauvres autour du parc", explique le chef de l'Etat tanzanien.


En outre, Jakaya Kikwete insiste sur son double défi : améliorer les conditions de vie de ces communautés, tout en préservant l'environnement. Pour lui, ignorer les besoins des populations vivant autour de Serengeti pourrait faire d'elles "des ennemis du parc".


Peu convaincus par les arguments du gouvernement, les écologistes soutenus par la Banque mondiale estiment qu'il serait plus judicieux de faire passer cette route par le sud du parc, afin de ne pas perturber les routes migratoires. Le tronçon non bitumé prévu par le projet dans le nord de Serengeti devrait être emprunté chaque jour par 400 véhicules d'ici 2015, révèle une étude menée par le groupe écologiste Serengeti Watch. En 2035, ce sont quelque 3.000 véhicules qui pourraient y circuler quotidiennement. Une telle fréquentation nécessitera obligatoirement une amélioration de la route, en la pavant ou en la clôturant, souligne cette étude.

 

 


 


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Où en sont les forêts en 2011 ?

Publié le par Gerome

Après 2010, année de la biodiversité, 2011 sera l’année internationale de la forêt. Dans le Vercors le 3 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre en charge de l’écologie, a fait le point sur les actions engagées par l’Office national des forêts pour préserver la biodiversité dans les massifs français.

En France, la superficie forestière a augmenté de 50 % depuis 1950. Elle couvre 30 % de notre territoire[1], précise le ministère dans un communiqué du 4 février.

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Outre ses intérêts écologiques indéniables, la forêt présente un important avantage économique : « La filière Forêt-bois française compte 425.000 emplois, soit deux fois plus que l’industrie automobile, et génère un chiffre d’affaire de 40 milliards d’euros », selon les chiffres gouvernementaux.

En partenariat avec d'autres gestionnaires d'espaces naturels, des associations de protection de la nature, des établissements publics et des éditeurs, l’ONF va lancer cette année 11 différents programmes. Ils porteront sur la gestion durable des forêts publiques, les enjeux d'aujourd'hui et de demain de la forêt française et le métier de forestier.


Les enjeux concernent en particulier la demande en bois croissante afin de fournir la filière Bois énergie et celle du bois de construction. Le gouvernement a fixé comme objectif d’augmenter la récolte en bois de 12 millions de mètres cubes pour 2012, soit une hausse de 30 % par rapport au niveau actuel. Une augmentation de 20 millions de m³ est attendue en 2020. Mais la filière Bois s'interroge : comment pourra-t-elle répondre à cette demande, les ressources forestières de la France sont-elles suffisantes et réellement adaptées aux besoins actuels du marché ?


L’ONF prévoit en 2011 de s'appuyer sur le projet Forêt-patrimoine, « un projet de labellisation de forêts domaniales sur le principe de la reconnaissance d'une gestion d'excellence basée sur la préoccupation du ’durable‘ », peut-on lire dans un communiqué du 2 février.

17 forêts domaniales françaises sont en course pour obtenir ce label de gestion exemplaire. Elles ont été retenues pour leur socle historique, leur situation géographique, les enjeux environnementaux, et leur rôle économique.

En ce qui concerne la gestion des bois communaux, la CGT et l’ONF s’inquiètent actuellement d’une « piste de réforme du monopole concernant la gestion des bois communaux pour l'ouvrir à des opérateurs privés », indique l’AFP le 3 février. Cette piste, contenue dans une note de la direction générale du Trésor, propose, parmi 4 leviers d'actions prioritaires, de revoir le modèle économique de l'ONF.


Pour l’Office, ce serait la fin d’un régime qui garantit une gestion équitable et durable de la forêt française et la « destruction de l'un des derniers services publics subsistant en milieu rural ». Les discussions sur le futur contrat Etat-ONF pour la période 2012-2017 s’annoncent donc musclées.

Au niveau mondial, la situation est tout autre. Chaque année, 13 millions d’hectares sont déforestés, principalement en zone tropicale. Aussi inquiétant soit-il, ce chiffre est en forte baisse. Au début du siècle, 16 millions ha disparaissaient par an.


Résultat, l’heure est de nouveau à l’optimisme et le reboisement progresse. « Ce qui laisse espérer un équilibre dans quelques années », avance la Situation des forêts du monde 2011 publiée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) le 2 février.

Cependant, le reboisement en question concerne majoritairement des monocultures (palmiers à huile par exemple), au détriment de forêts anciennes beaucoup plus efficaces pour stocker le carbone. « Entre 12 et 17 % du total actuel des émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent de la déforestation, soit plus que le secteur du transport », explique Frances Seymour, directrice générale du Centre de recherche international sur les forêts (Cifor) basé en Indonésie.



[1] La France possède 8 millions d’hectares de forêts tropicales en Guyane

 


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Le juteux business des sociétés d’autoroutes

Publié le par Gerome

Malgré les promesses du Grenelle de l’environnement, près de 1.000 kilomètres d’autoroutes supplémentaires vont être construits. Et plus de 8 milliards d’euros investis par l’État pour ces futurs projets. Une bonne nouvelle pour les géants du BTP et sociétés d’autoroutes, qui cultivent secrets tarifaires et bénéfices juteux. Enquête sur un jackpot qui profite à quelques entreprises.

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« Vous vous rendez compte ? Un kilomètre d’autoroute, ce sont 10 hectares de terre sacrifiés. Avec le projet de l’A45 entre Lyon et Saint-Étienne, 400 hectares de zones fruitières, maraîchères, viticoles ou naturelles protégées vont être amputées. » Noël Collomb est en colère contre un projet autoroutier, doublon d’une autoroute existante – l’A47 – et longée par une liaison ferroviaire. Co-président de l’association Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais, Noël a fait de la lutte contre l’autoroute son cheval de bataille quotidien. À l’entrée de son village, Taluyers, aux portes des monts du Lyonnais, un panneau municipal donne le ton : « Bienvenue dans notre commune, opposée à l’A45 et au contournement autoroutier de Lyon ». 109 autres communes de l’Ouest lyonnais favorables à une alternative aux contournements autoroutiers de Lyon arborent, elles aussi, ce panneau.


« Le projet de l’A45 relève de choix politiques à court terme d’une incohérence totale », critique l’ancien élu local. L’avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) rendu public le 27 janvier 2011 par Nathalie Koszciusko-Morizet, la nouvelle ministre de l’Écologie, n’a pas de quoi le rassurer. Ce document prospectif prévoit 732 kilomètres d’autoroutes supplémentaires en France, qui viendront s’ajouter aux quelque 10.000 km existants. 287 km déclarés d’utilité publique restent également à construire. Soit au total une augmentation de près de 10%, alors que la France possède déjà le plus grand réseau autoroutier d’Europe. Au cœur des 200 pages du rapport du SNIT, on retrouve la mention de l’A45 « dont la réalisation s’inscrit dans la nécessaire continuité de l’État  ». Et l’esprit du Grenelle dans tout ça ?


Vive le Grenelle... des autoroutes !


« Le changement de paradigme » prôné par le Grenelle de l’environnement, les opposants à l’A45 n’y croyaient pas vraiment. « Le Grenelle propose une rupture (...) La priorité ne sera plus au rattrapage routier mais au rattrapage des autres modes de transports », affirmait Nicolas Sarkozy en 2007. On se souvient aussi de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, déclarant : « On n’augmentera plus la capacité routière (…) sauf intérêt local, enjeux de congestion ou de sécurité.  » Quatre ans plus tard, grâce à cette série d’exceptions, on a plutôt l’impression de vivre un Grenelle des autoroutes. Augmentation de 10% de la pieuvre autoroutière, report d’une taxe poids lourds censée financer les infrastructures ferroviaires, autorisation donnée aux méga camions de 44 tonnes de circuler sur les routes françaises... Chez les lobbys du BTP et des transports routiers, c’est Noël tous les jours !


À compter du 1er février 2011, les prix aux péages vont augmenter de 2,24% en moyenne. Dans un entretien au Figaro, Jean-François Roverato, président de l’Association professionnelle des autoroutes et ouvrages routiers , dénonce un « prélèvement sur la route au profit du rail ». L’Etat finance les lignes déficitaires de la SNCF par une taxe aux péages des autoroutes, contrepartie négociée lors de la privatisation en 2005. Cette taxe représente seulement 0,32% sur les 2,24% d’augmentation annoncés, soit 35 millions d’euros. Et les 1,92% restants ? Des centaines de millions d’euros qui iront directement dans les poches des sociétés d’autoroutes. Un montant que Jean-François Roverato, également numéro un du groupe Eiffage, qui gère en concession les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), s’abstient de préciser.


Des profits illimités


Comprendre la logique des tarifs pratiqués par les concessionnaires d’autoroutes relève du parcours du combattant. L’ancien premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, s’y est essayé. En 2009, dans un croustillant rapport, il critique les pratiques consistant à concentrer les hausses de tarifs sur les tronçons ou trajets les plus fréquentés. « Un surplus de recettes de 1% [qui] représente, à titre indicatif, quelque 60 millions d’euros par an pour les six sociétés » selon le rapport. Des pratiques contestables dans un contexte où il n’existe pas de critères de limitation des profits des sociétés d’autoroutes.


Résultat ? Les 6 sociétés d’autoroutes françaises – APRR, ASF, Cofiroute, Escota, Sanef, SAPN – se portent plutôt (très !) bien avec un chiffre d’affaires en 2010 dépassant les 8 milliards d’euros. La part des recettes de péages dans ce chiffre d’affaires est conséquente. Si l’on se réfère au rapport financier 2009 de la société APRR, les recettes des péages représentent 82% du chiffre d’affaires. Les revenus annuels du directeur général délégué d’APRR ne sont pas en reste : 430.000 euros en 2009. Même constat à Cofiroute, dont les recettes de péages ont progressé de 5% entre 2008 et 2009. Résultat ? Les actionnaires ont empoché plus de 42 millions d’euros de dividendes en avril 2010.


Les trois grandes sociétés d’autoroutes françaises (Cofiroute, Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, Autoroutes du Sud de la France) ont réalisé en 2009 un bénéfice cumulé de 1,29 milliard d’euros. Cofiroute, filiale du groupe Vinci, au chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros, réalise un taux de profit de 24% [1] ! Avec une hausse des tarifs des péages entre 9,7% et 18 % de 2004 à 2010, ces résultats ne sont pas étonnants. « Nous sommes des collecteurs d’impôt à notre corps défendant », s’indigne pourtant Jean-François Roverato. En 2005, les autoroutes ont surtout été privatisées (et bradées à 14 milliards d’euros au lieu de 24 milliards, selon la Cour des comptes) au moment où elles devenaient des « vaches à lait », selon les termes du Canard enchaîné. Avec un paradoxe : « Plus elles sont amorties, plus elles coûtent cher ! »


Un cadeau de 2 milliards


Quand Philippe Séguin a tenté de procéder à une analyse détaillée et par société de l’origine des augmentations de recettes, il raconte s’être heurté à « des difficultés dans le cadre de son contrôle, notamment au moment de la contradiction et en particulier avec le ministère chargé des Transports ». Autrement dit, Jean-Louis Borloo. C’est ce même ministre qui, début 2010, offre un an supplémentaire de concession à ASF, Cofiroute et Escota, toutes trois filiales du groupe Vinci. En prolongeant la concession aux environs de 2030, « ces entreprises n’auront plus un sou de dette et tout ira donc dans la poche des actionnaires », note l’hebdomadaire Marianne.

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Comment Jean-Louis Borloo justifie t-il ce cadeau estimé à 2 milliards ? Au nom de l’écologie ! Plus d’un milliard de travaux seront réalisés en contrepartie par les sociétés d’autoroutes pour protéger, préserver, sauvegarder, assure son ministère. Au programme : « l’éco-rénovation des aires de repos », « des parkings de co-voiturage »... mais surtout, un investissement massif dans des péages automatiques. Sur les 420 millions d’euros engagés par exemple par ASF dans ce programme, 84 vont à la mise en place de télépéage sans arrêt et 17 à la protection de la biodiversité... L’argument ? En s’arrêtant moins, on crée moins de bouchons et on réduit les émissions de CO2... Et du même coup les effectifs. En sacrifiant les emplois sur l’autel de pseudo « engagements verts », la tentative de tour de passe-passe de Borloo atteint ses limites.


Doubler le trafic à tout prix


À Taluyers, les militants opposés à l’A45 n’ont aucune envie de se laisser berner. Pour eux, l’enveloppe dédiée aux nouvelles autoroutes, 8,4 milliards d’euros pour 732 km – soit 11,5 millions d’euros par kilomètre - est sous-évaluée. « En comparaison, le projet A45 a été chiffré à hauteur de 34 millions d’euros par kilomètre, par le gouvernement Raffarin en 2003. » La conclusion de Noël Collomb est sans appel : ces 8 milliards d’euros sont « des subventions d’équilibre destinées à aider les sociétés autoroutières à financer ces projets, et ce sont les collectivités territoriales qui vont être ponctionnées ».


Des largesses qui, en période de pénurie budgétaire, ne laissent pas d’étonner. Sans compter que l’équilibre financier de chaque nouvelle autoroute est souvent atteint au prix d’une surévaluation de trafic qui peut atteindre 50% du trafic réel. A’Lienor, par exemple, concessionnaire de l’autoroute Pau-Langon, estime que cette section ne sera rentable que si le trafic atteint 14.000 véhicules par jour en 2020, contre 7.500 véhicules/jour actuellement. Même synopsis farfelu pour le projet de l’A45 : le dossier d’enquête préalable table sur l’hypothèse qu’avec la construction de cette nouvelle autoroute, 40% des voyageurs en train reprendraient leur voiture. Miser sur le report du trafic ferroviaire vers la route, ce n’est pas vraiment Grenello-compatible !


« L’autoroute, ça déménage un territoire »

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« Les membres du gouvernement affirment que pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, il faut les soustraire à leur dépendance au pétrole et développer les transports en commun », rappelle Noël Collomb. Au bout du compte, la déclaration d’utilité publique de l’A45 a été signée par Jean-Louis Borloo en juillet 2008. Les promesses du Grenelle, elles, se sont envolées. Face à une concertation qualifiée de « cosmétique », le réseau Stop-Autoroutes a été lancé en octobre 2010. Les associations membres assurent qu’elles « s’opposeront avec pugnacité aux inaugurations de nouvelles autoroutes prévues et participeront avec ténacité aux débats publics locaux ».


À Taluyers, on ne se résigne pas, loin de là. « Pour nous, la priorité doit être donnée à une politique d’aménagement du territoire qui rapproche le domicile du lieu de travail, explique Noël Collomb. L’autoroute, ça n’aménage pas un territoire, ça le déménage ». À table, les militants réunis discutent du besoin de développer l’agriculture et le commerce local, de promouvoir les moyens de transports collectifs ou bien encore d’encourager le ferroutage sur les longues distances. Et si certains les accusent de vouloir protéger leur jardin et leurs beaux monts du Lyonnais, alors ils se verront répondre que leur jardin, c’est aussi la planète : « De nouvelles autoroutes, ni ici ni ailleurs ».

Sophie Chapelle


Notes

[1] Source : Rue 89. « APRR dégage un résultat net de 349 millions d’euros, ASF s’en sort encore mieux avec un résultat net de 629 millions d’euros, Cofiroute (groupe Vinci) parvient à un résultat net de 310 millions d’euros »

 

 


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